C’était hier dimanche, avant midi, comme j’allais libérer les poules de leur enclos pour qu’elles sortent picorer des graines et des vers. Mon regard a été attiré par une tache blanche qui n’était pas là le matin quand j’avais ouvert le petit enclos de leur poulailler. J’ai eu peur que ce soit ma chatte Thaï dont le ventre est tout blanc.
C’était une mouette aux pattes rouges et au long bec rouge, que j’ai trouvée sur le dos, les pattes en l’air ; elle ouvrait le bec comme pour appeler à l’aide.

Je l’ai prise délicatement en lui parlant. Je ne voyais pas de blessure. Elle était confiante dans ma main tandis que je cherchais la cage que j’ai bricolée dans un ancien bac de tondeuse pour isoler une poule en cas de besoin. Je l’ai installée dans un nid de paille fraiche.

La petite mouette s’était redressée en me voyant ouvrir son nid. Elle était rassurée.
Elle ouvrait encore le bec. Je lui avais mis de l’eau argileuse et l’ai aidée à mettre son bec dedans. Puis je l’ai laissée se reposer dans la paille.

J’avais protégé son nid d’une serviette pour qu’elle soit dans la pénombre, dans la douche chaleur de la serre, pour qu’elle se réchauffe si elle devait survivre.
J’ai contacté mon gendre Morgan qui connait bien la nature.
— Morgan, je viens de trouver une jeune mouette en train d’agoniser. Je l’ai mise dans le panier aménagé pour soigner les poules dans un nid de paille. Je lui ai trempé le bec dans de l’eau argileuse et l’ai laissée se reposer sous une serviette protégeant le grillage. Puis-je faire autre chose ?
–– Tu peux essayer de lui donner poisson ou fruits de mer, mais il est possible qu’elle se laisse mourir. Elle est abîmée ?
–– Ah, bonne idée, j’ai 4 huîtres. Je n’ai pas vu de blessure, une trace près de l’aile, des traces sur le duvet de la tête. Hier l’agriculteur a labouré, les mouettes étaient nombreuses. Mais je n’ai rien vu le soir en allant fermer les poules ni le matin en allant les ouvrir. Je ne lui ai pas promis de la sauver, mais je l’ai assurée qu’elle serait au chaud et en sécurité.

Quand je suis revenue, après mon déjeuner, la petite mouette ne respirait plus, elle s’était laissée mourir, en paix, le bec dans la paille.
Vendredi, j’ai appris le décès d’une amie, Marie-Claude Ménétrier, professeur de biologie, qui m’apprenait beaucoup de choses sur les plantes et les animaux. Je ne cessais de penser à elle hier.
Elle m’aurait peut-être dit, comme lorsque je trouvais des arondaux tombés en bas du nid dans une dépendance en cette saison, qu’elle était trop faible pour faire un voyage de migration et qu’elle avait été piquée sur la tête par les autres mouettes pour tomber et rester là.
Il est courant que des chats voisins viennent chez moi se réfugier en fin de vie. Jamais encore je n’avais accompagné de mouette. J’ai fait ce que j’ai pu pour aider ce magnifique animal sauvage.
Mon domaine est un refuge et un sanctuaire.
J’ai vu dans cet événement un intersigne, comme disaient les anciens Bretons, un dernier message de Marie-Claude à l’heure du grand voyage. Ces moments entre les deux mondes des Druides nous aident à faire notre deuil. La mouette était une messagère.
J’ai enterré la jolie mouette au jardin des animaux en bas de prairie. Elle repose comme une colombe de la paix.


Kerantorec, le 5 septembre 2022
Gaelle Kermen