Une expérience spirituelle devant une vache à l’agonie

Après le massacre des vaches le 12 décembre 2025 en Ariège,
Le souvenir d’une expérience spirituelle devant une vache vêlante à l’agonie dans les années 80


En accompagnant par la pensée, le massacre des 208 vaches abattues hier matin en Ariège, le pays où j’ai mis au monde mes deux premiers bébés, Ariège Terre Courage, qui m’a tant appris de la nature, je repensais au regard de la vache que j’avais accompagnée dans son agonie, autrefois, qui m’avait transmis son acceptation de mourir en donnant la vie.
C’était du temps de la crêperie, dans les années 80.
Je repensais hier matin à l’esprit de la vache vêlante qui m’avait appelée une fin de journée où j’allais chercher du lait ribot à la Ferme de Kerdaniel, sur le chemin qui va de Kervegant à Plaçamen, sur la route de Merrien. Une branche cousine de mon père tenait la ferme que nous avions choisie comme fournisseur de nos produits laitiers frais.
D’habitude, je parquais mon auto à l’extérieur et je traversais la cour de ferme pour retrouver Marie-Thérèse le Doze-Sellin qui m’attendait avec mes bouteilles.
Ce soir-là, en avançant dans la cour, quelque chose me faisait tourner la tête vers les bâtiments où jamais je n’étais allée. Je n’avais aucune raison d’aller dans les étables, le lait ribot était prêt dans la cuisine de la ferme et je partais rapidement reprendre mon service à la crêperie.
J’avançais, mais j’étais retenue. Je devais tourner vers les bâtiments sur la gauche, au lieu d’aller dans la cour, en passant devant les jolis jardins bien entretenus par Marie-Thérèse, derrière des palissades protectrices.
Quelque chose m’appelait là-bas, dans ces grands bâtiments. Je devais aller voir. J’ai suivi ce qui m’était soufflé à l’esprit. J’étais attirée vers l’entrée de l’étable.
Je me suis retrouvée devant une vache vêlante, dont le veau se présentait mal, m’ont dit le vétérinaire et Joseph Sellin, le propriétaire.
Agenouillée, devant ce monument en souffrances.
Nos yeux sont restés fixés.
La vache m’a transmis sa détresse et son acceptation à la fois. Elle savait qu’elle allait mourir, mais le veau serait sauvé. Elle donnait sa vie en conscience.
Je crois que je suis restée en prière avec elle.
Je ne sais combien de temps.

Il a fallu que je parte.
Le lendemain, j’ai demandé à Marie, la fille ainée de la ferme, qui était ma directrice de salle, des nouvelles de la vache. Elle était morte dans la nuit. J’ai donné l’heure. Marie a confirmé. J’avais accompagné la vache dans son agonie et j’avais su le moment où son âme s’était échappée de son corps douloureux. Le veau était vivant et en bonne santé.
J’ai vécu une expérience spirituelle avec une vache à l’agonie. Ce jour-là, j’avais su que les vaches avaient une âme et ma vision subtile du monde en a été changée.

J’ai parfois raconté cette expérience. On m’a prise peut-être pour une folle, tant pis, je sais ce que j’ai vécu. Je porte encore en moi le regard de la vache qui savait qu’elle allait mourir. Son regard m’a aidée à accompagner plusieurs animaux qui venaient mourir chez moi. Des petits animaux, le chat d’un voisin, ma vieille chienne, une mouette tombée, des poules. Tous ont eu ce regard qui sait que la fin est proche et qui l’accepte dignement.

J’imagine la douleur des vaches avant leur euthanasie. Car elles le savent. Et elles ne peuvent l’accepter, car la mesure d’abattage d’un troupeau entier est contraire à toutes les morales et les réalités des soins dû aux êtres vivants.
Je ne connaissais pas cette vache de Kerdaniel avant de partager quelques minutes de son agonie consciente. Pourtant son regard est encore en moi, après plus de 40 ans !
J’imagine la douleur des éleveurs qui ont vu naître ces bébés veaux, ont passé des nuits dehors ou à l’étable pendant les vêlages, les ont nourris, les ont élevés, les ont vu grandir et prospérer.
J’imagine leur douleur de les voir sacrifier sur l’autel des incompétences des gouvernants, pour des raisons politiques et économiques sans relation avec les besoins du vivant.

Car il existe toujours des solutions à la mesure des élevages. En particulier la quarantaine. La propolis de nos ruchers, extraordinaire antibiotique naturel, serait, parait-il, efficace dans le cas du virus qui attaque les troupeaux.

Ma tristesse est infinie. Je pense au regard de ma noble bête de la ferme d’autrefois, partie avec tant de dignité et je le vois multiplié par des milliers de vaches massacrées.
La douleur des éleveurs est incommensurable.
Ils ont droit au respect et au soutien.
Pas aux mesures mortifères qu’on leur inflige.
Les blindés contre les fermiers.
Je ne croyais pas voir ça un jour !
En ce temps d’Avent, si triste, si morne, j’ai envie de crier :
« Paix sur la terre aux hommes de bonne volonté ! »
Faisons nos crèches. L’enfant Jesus reposera entre le bœuf et l’âne gris.

Honte sur nos gouvernants !
Honneur aux vaches massacrées !
Honneur aux paysans sacrifiés !
Ils sont nos trésors nationaux.